Depuis près de 80 ans, les textes de loi asile et immigration ne cessent d’être réformés. En l’état, la nouvelle loi 2023 représente une régression des droits des personnes immigrées.
Une loi fragilisante
Des conditions durcies d’accès aux droits
La Fondation Abbé Pierre recense près de 330 000 personnes en situation de mal-logement, soit privées de domicile fixe ou en hébergement d’urgence. L’année dernière, le 115 refusait jusqu’à 6000 demandes par soir, dont ⅓ de mineur·es. Malgré ces chiffres alarmants, le gouvernement continue de limiter le regroupement et l’accès aux aides nationales. Et ce, selon une logique exclusive. La loi de ce 19 décembre 2023 restreint les conditions d’accès au titre de séjour et de regroupement familial sur des critères d’âge, de présence sur le territoire, de niveau de langue et de ressources.
Par ailleurs, bien que l’Aide médicale d’État (AME) n’ait pas été supprimée, le projet de sa réforme en 2024 interroge. Alors qu’elle garantit l’accès au soin aux personnes “sans-papier” pendant un an minimum, elle devait être remplacée par une aide d’urgence (grossesse et vaccination notamment), conditionnée par le règlement d’une caution. Qu’elle soit réformée sur la base de ce projet, ou selon de nouveaux délais et critères administratifs, elle ne facilitera a priori pas l’accès à la santé pour les immigré·es.
Des critères d’exclusion laissés à l’arbitraire
Parallèlement, cette loi protège les représentant·es français·es par un pouvoir décisionnaire fondé sur la libre appréciation des situations individuelles. Ceci se cristallise particulièrement avec la généralisation du juge unique pour les recours à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), au dépens de la règle de collégialité. Le droit à l’hébergement d’une personne en situation irrégulière tient à présent à la subjectivité individuelle.
A l’inverse des conditions de séjour, les motifs d’expulsion, eux, s’assouplissent. En effet, la loi asile et immigration supprime les catégories protégées (sauf les mineur·es), et élargit les motifs d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Une fois encore, l’arbitraire devient la base de ces critères. En effet, les décisionnaires agiront en fonction de “menace grave pour l’ordre public” ou de « nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique”… sans comportements tangents associés.
Le calcul est simple : durcissement des conditions d’accueil et élargissement des motifs de répression et d’exclusion mènent inéluctablement à une précarité croissante des personnes immigrées.
Le rôle-clé des associations d’aide sur le terrain
Le passage de cette loi est déconnecté de la réalité du fait migratoire. Les mesures centrées sur la violence et la délinquance stigmatisent la population migrante. L’État français la représente comme une menace. Face à ces débats, la solidarité des associations est désormais plus importante que jamais pour lui venir en aide.
L’aide de terrain pour s’adapter à la réalité de la situation migratoire
Voici la conclusion de l‘association Utopia 56.
Le projet d’Utopia 56 : “défendre l’accueil des personnes exilées”.
Créée en 2015, Utopia 56 est une association de coordination citoyenne sans prérequis de formation ou d’expérience. C’est-à-dire qu’elle intervient comme structure d’encadrement du bénévolat et permet à chacun·e de s’engager.
De la distribution de dons (nourriture, équipement, hygiène), à l’accueil de mineur·es en recours, en passant par la maraude d’information administrative et l’accompagnement vers des lieux d’hébergement nocturne, Utopia56 met tout en œuvre pour subvenir aux besoins primaires des personnes à la rue.
Alors que 3000 enfants dorment dehors en France, la dernière campagne d’Utopia56 “Enfants avant migrants” a vocation à défendre les mineur·es renvoyé·es à la rue. En effet, 60% des demandes de minorité sont finalement reconnues après recours.
En lien direct avec la réalité de terrain, l’association attribue au projet de loi asile et immigration la “palme de l’inhumanité et de la déraison”. L’association refuse tout lien avec les instances politiques, y compris des financements d’État. Elle garde ainsi “sa liberté de parole et son indépendance d’action”.
L’écho criant aux missions laissées en postérité par l’Abbé Pierre
Les actions d’Utopia56 rappellent l’appel poignant à la solidarité lancé par l’Abbé Pierre le 1er février 1954.
L’Abbé Pierre s’adresse d’abord au cercle politique pour tenter d’éveiller l’opinion sur la situation des sans-abris. Effectivement, il demande de consacrer une partie du budget de reconstruction à l’édification de « cités de première nécessité ». Il multiplie ensuite les sollicitations pour sensibiliser aux conditions que les plus pauvres et les exilé·es subissent. Mais il observe toujours trop de sans-abris expulsé·es, mort·es de froid, gelé·es dans la rue. Le 1 février 1954, il lance un appel citoyen au don sur radio Luxembourg. C’est un immense succès et les points de collecte croulent sous les couvertures, les matelas, les vêtements. Certain·es surnomment encore cette révolution de la solidarité « l’insurrection de la bonté ».
A l’occasion des 70 ans de cet appel, et dans le contexte social tout aussi difficile pour les exilé·es aujourd’hui, Label Emmaüs s’associera à Utopia56 pour lancer un nouvel appel à la solidarité en février 2024.
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