Emmaüs : offrir des alternatives à l’incarcération et faciliter la réinsertion
Surpeuplement, insécurité, insalubrité, récidives … nombreux sont les problèmes des établissements pénitentiaires, et la prison représente un enjeu de société qui nous concerne toutes et tous.
« Au dernier barreau de l’échelle sociale, la prison. »
Voici le nom explicite de l’étude sur le milieu carcéral publiée par Emmaüs France et le Secours catholique, dénonçant une criminalisation de la misère. En effet, pour de nombreuses personnes incarcérées, la période de détention s’avère être une double peine et la sortie de prison est souvent très violente.
Cette étude nous offre l’occasion de vous faire (re)découvrir les liens étroits qu’entretient Emmaüs avec le milieu carcéral depuis toujours.
« Emmaüs milite contre le dogme du tout carcéral, et contribue depuis toujours à l’insertion sociale et professionnelle des personnes sous-main de justice, en développant une offre d’accueil diversifiée et innovante. »
La question de la prison fait partie de l’ADN du Mouvement Emmaüs. La première communauté est née en 1949 suite à la rencontre entre l’Abbé Pierre et Georges Legay, un ancien bagnard et premier compagnon, à qui il proposa de « venir l’aider à aider ». De plus, les communautés fonctionnant sur un accueil inconditionnel des personnes, de nombreux sortants de prison sont allés frapper à la porte des communautés dès leur naissance.
Emmaüs ne peut pas changer la prison mais œuvre pour créer un lien à l’intérieur de la prison et favoriser la réinsertion avant la sortie. Le Mouvement propose également des alternatives innovantes pour les fins de peine. Découvrez quelques unes de ces belles alternatives avec nous.
Le chantier d’insertion professionnel en prison d’Emmaüs Mundolsheim
Parmi les dispositifs permettant de réduire les ruptures de parcours des détenu.es à la sortie de la prison, il existe le chantier d’insertion professionnelle.
Depuis 2016, Emmaüs Mundolsheim porte un Atelier Chantier d’Insertion « Emmaüs Inside » au centre de détention d’Oermingen, dans le cadre de l’expérimentation nationale « Insertion par l’activité économique en détention ». Le principe de ce test pilote est de faire entrer l’insertion dans les prisons en proposant du travail plus qualitatif et valorisant aux personnes détenues.
L’agence du TIG travaille actuellement sur l’essaimage de ce projet au niveau national.
Le chantier d’insertion de Mundolsheim est orienté sur le relooking de meubles, qui sont ensuite valorisés dans leur espace de vente en faisant en même temps de la sensibilisation au milieu carcéral auprès du grand public.
L’enjeu pour Emmaüs est d’éviter les ruptures de parcours à la sortie de prison donc une partie des personnes sont ensuite embauchées sur le chantier d’insertion de Mundo à l’extérieur. Actuellement, cela représente 8 personnes par manque de place en prison.
L’association porte également un atelier de formation à la mécanique au sein de la maison d’arrêt de Strasbourg.
L’aménagement de fin de peine à la ferme
La ferme de Moyembrie, la pionnière
Née d’une initiative privée, la ferme de Moyembrie a ensuite rejoint Emmaüs en 2009. Cette structure s’appuie sur la forme d’aménagement de peine que l’on appelle le placement à l’extérieur.
Les 3 piliers fondateurs de la ferme sont les suivants :
- Offrir un logement de qualité associé à un mode de vie familial, dans des structures de petite taille
(10 à 20 places) et avec un fort encadrement, afin de permettre un réapprentissage de
l’autonomie et de la liberté - Retrouver une dignité par le travail, en proposant un contrat en insertion sur des activités
essentiellement agricoles (l’agriculture biologique contribue à la transition écologique dans un même temps) - Proposer un accompagnement socio-professionnel renforcé afin de lever les freins à l’insertion des personnes accueillies, tout en favorisant la construction de leur nouveau projet de vie.
Cette structure atypique est un lieu de vie et de travail pour se reconstruire après la prison. Véritable « sas » pour préparer sa liberté, la Ferme dispose de 20 places d’accueil et propose un hébergement dans un cadre communautaire, un emploi autour d’activités agricoles par un agrément Atelier Chantier d’insertion. Les personnes accueillies sortent principalement de longues peines de prison, dans le cadre de la mesure judiciaire du placement à l’extérieur. Ce modèle, qui repose sur un ancrage territorial important et dans un environnement multi partenarial, a un fort impact social et environnemental.
Si vous suivez Label Emmaüs depuis ses débuts, vous vous souvenez peut-être que nous avons eu la chance de faire notre séminaire d’équipe à Moyembrie il y a 3 ans. Ce fut une belle expérience pour notre équipe !
L’essaimage des fermes sur le territoire français
Depuis 2016, le Mouvement Emmaüs – en collaboration étroite avec la Direction de l’administration
pénitentiaire – porte un dispositif national d’essaimage de la Ferme de Moyembrie.
Aujourd’hui, 4 fermes sont déjà actives et 5 projets en cours de développement devraient voir le jour courant 2023.
Parmi les fermes d’aménagement de fin de peine du mouvement Emmaüs, on retrouve notamment la ferme d’Emmaüs Baudonne, dont la particularité est d’être la seule ferme dédiée uniquement à l’accueil de femmes. A savoir que les femmes représentent seulement 3% de la population carcérale de notre pays.
Emmaüs accueille 200 personnes par an dans le cadre d’un aménagement de peine
Grâce à Trëmma – notre plateforme de financement par le don d’objets – nous avons d’ailleurs soutenu la création d’un poste de formateur-accompagnateur en numérique qui accompagnera les femmes accueillies à la ferme quelques heures par semaine.
En amont de la prison, l’une des alternatives concrètes est celle des la peine de Travail d’Intérêt Général (TIG).
Les Travaux d’Intérêt Généraux (TIG)
Cette mesure alternative à la prison permet à des personnes condamnées pour des faits de faible gravité d’exécuter leur peine au service de la société civile. Le TIG vise à la réinsertion et à prévenir la récidive. Son objectif est également d’ouvrir la voie vers un parcours d’insertion professionnelle, pour des personnes généralement très éloignées de l’emploi.
Emmaüs accueille plus de 800 personnes par an en TIG dans ses structures.
Les différentes formules de TIG proposées correspondent à l’activité traditionnelle du Mouvement Emmaüs, essentiellement la collecte, la réparation et la vente de produits de seconde main (textile, mobilier, équipements électro-ménager et multimédia…). Des actions de solidarité sont également proposées aux personnes (maraudes, ventes solidaires…). Création de lien social, partage d’un mode de vie et de valeurs solidaires, travail en équipe et vie en collectivité, remobilisation vers l’emploi….
Le TIG se révèle une expérience enrichissante, aussi bien pour les personnes accueillies que pour les bénévoles et salarié.es des groupes. Il a été créé dans les années 1980, et dés cette période, Emmaüs s’en est saisi et a commencé à accueillir des personnes condamnées à cette alternative à la prison. Au départ plutôt dans les communautés et comités d’amis, puis dans les structures d’insertion.
Emmaüs France dispose depuis 2017 d’une habilitation nationale pour l’accueil de personnes en Travail d’Intérêt Général. Une belle reconnaissance de l’engagement quotidien des acteurs de terrain !
A notre petite échelle, nous soutenons la réinsertion des détenu.es avec le lancement de notre vendeur Yoti, qui développe une activité de reconditionnement de jouets en centre de détention. On vous parle de Yoti plus en détails très bientôt ici-même !