CodePhenix, la formation d’intégrateur web pour la réinsertion professionnelle des détenus

Comme vous le savez, tout le projet Label Emmaüs s’articule autour de deux piliers : la valorisation des objets de seconde main et l’insertion professionnelle grâce aux métiers du e-commerce. En plus de former nos vendeurs à la gestion de leur boutique en ligne, nous sommes nous-même entreprise d’insertion avec notre plateforme dédiée aux livres et organisme de formation avec Label Ecole !

Et il y a un sujet qui nous touche beaucoup, c’est celui de la réinsertion professionnelle des détenu.e.s. Cette problématique peu évoquée dans les médias est pourtant un réel enjeu de société dont le gouvernement ne s’empare pas assez.

L’an dernier, nous avons d’ailleurs fait notre séminaire d’équipe à la Ferme de Moyembrie. Cette association du mouvement Emmaüs  accueille et forme une vingtaine de détenus en fin de peine autour du maraîchage en agriculture biologique, l’élevage de chèvres et poules et la fabrication de fromages et yaourts … Ce projet passionnant permet ainsi aux personnes fragilisées d’appréhender positivement leur nouveau départ dans la vie, de retrouver estime de soi et autonomie !

logo codephenix

Dans la même thématique, nous avons récemment découvert le projet CodePhenix et souhaitions vous partager notre entrevue avec Brieuc, co-fondateur de l’association 🙂

Bonjour Brieuc ! Pourquoi le projet CodePhenix a-t-il vu le jour ?

On était encore étudiant à l’école Centrale Paris quand on s’est lancé sur le projet il y a 3 ans. Pendant mes années là-bas, j’avais cette envie d’entreprendre et l’école nous offrait l’opportunité de nous lancer. On s’est aperçu qu’il y avait des opportunités d’emploi dans le numérique et qu’il y avait des publics comme les sortants de prisons qui étaient très éloignés de ces opportunités. Moi je ne connaissais pas le milieu carcérale, et j’y suis arrivé en m’intéressant au milieu de l’insertion professionnelle. Par exemple, il y a plus de 60 % de récidives à la sortie de prison. Pour les détenus, cette réinsertion professionnelle peut également être facteur de réinsertion sur les autres aspects de leurs vies comme la famille, la confiance en soi, le logement … 

Le système de la justice et de la prison est assez flou et relève plus du fantasme. C’est un milieu passionnant et complexe, plein de problématiques liés à l’humain et à l’insertion.

Comment se passe concrètement la formation CodePhenix ?

La solution qu’on propose pour atteindre cet objectif de réinsertion est un programme autour de 3 axes :

Formation de 6 mois à raison de 20h par semaine au métier d’intégrateur web (langage HTML, JavaScript et CSS)

Les personnes ne sont pas forcément en fin de peine et souvent sur des peines longues de plus de 2 ans. A ces fins, on travaille en centre de détention. J’y vais tous les matins de 8h à midi, je suis le seul à temps plein sur le projet. 

Après les 6 mois, expérience professionnelle pendant la détention

On a créé une agence web qui nous permet de faire travailler les apprenants sur des missions en les accompagnant. De cette façon ils se constituent un premier portfolio de prestations effectuées, qu’ils pourront ensuite valoriser auprès de futurs employeurs. Cette période professionnelle dure au moins 3 mois, mais ça peut être beaucoup plus long selon la date de sortie de prison. 

Accompagnement au retour à l’emploi, qui se passe à la foi en détention et à la sortie.

Il s’agit de rencontres avec des développeurs pour qu’ils aient une meilleure connaissance du secteur. On travaille sur le CV et lettre de motivation et la recherche d’emploi. On fait aussi venir des gens pour les entretiens blancs. Une fois les apprenants sortis, ça va plutôt être de la mise en relation avec de futurs employeurs et du coaching sur la recherche d’emploi opérationnelle dans ce secteur. 

T’es-tu confronté à des barrières pour intégrer le milieu carcéral ?

Il a fallu rencontrer la direction de l’administration pénitentiaire, qui a été intéressée par le projet direct mais ça a quand même pris très longtemps à se mettre en place. En fait il a fallu que l’on créé notre propre intranet sur place car on a pas d’accès à internet dans le centre pénitentiaire. 

L’administration voulait que l’on respecte les normes de sécurité du milieu mais sans réel cahier des charges… Comme on était pionniers, on a du travailler à tâtons pour tracer la voie et respecter leurs critères. 

Combien de détenus as-tu formé depuis le début ? 

On est au centre de détention de Melun depuis janvier 2019, date de notre 1ère promotion constituée de 8 personnes. Et actuellement on est sur la période de stage, on attend que des travaux finissent là-bas pour accueillir la 2ème promotion de 8 personnes. La sélection aura lieu pendant l’automne. L’âge des apprenants va de 24 ans à 65 ans donc c’est très large ! Je dirais que la moyenne d’âge est de 35-40 ans.

En ce moment je fais donc de la formation continue pour que les apprenants découvrent de nouvelles choses. Je fais aussi de l’accompagnement sur les projets en cours avec l’agence.

Certains des apprenants sont-ils devenus développeurs à la sortie de prison ?

Nous n’avons pas encore eu de réelle sortie car le programme est jeune. Il y a seulement 1 personne de la promo qui vient de sortir de prison et une autre qui a arrêté en cours de formation. On voit qu’un vrai groupe s’est constitué, que certaines personnes très renfermées se sont ouvertes aux autres, ils travaillent bien ensemble, c’est super à voir ! Et certains s’éclatent là-dedans et sont très curieux d’en savoir plus. 2 ou 3 personnes de nos apprenants devraient sortir l’an prochain de prison, mais on a pas vraiment de poids sur la sortie ou l’aménagement de fin de peine. 

Combien êtes-vous dans l’équipe ? 

On est 4 dans l’équipe, 3 bénévoles, moi à temps plein et une personne qu’on va embaucher en fin d’année. C’est moi qui gère l’accompagnement socio pro. On fait venir des personnes de l’extérieur spécialisées sur l’aide à la recherche d’emploi, pour faire passer des entretiens blancs. Le but c’est qu’à terme on créé un réseau de partenaires qui puissent accompagner nos apprenants sur des problématiques tierces telles que la recherche de logement, les suivis socio-judiciaires… 

Des ambitions / projets pour l’avenir de l’asso ? 

Notre principal objectif est de trouver suffisamment de prestations pour faire tourner l’agence web toute seule. On souhaite aussi pouvoir rémunérer plus nos apprenants, qui touchent 45% du SMIC à partir du 3ème mois de formation. Si tout se passe bien, on lance une 2ème promo en fin d’année pour consolider ce qu’on a fait avec la 1ère. Le but est de dupliquer le programme sur d’autres territoires d’ici 1 an et demi ou 2 ans !

 

Merci beaucoup pour cet échange Brieuc, et félicitations !

Voilà un projet inspirant qui donne envie de s’engager, non ? 😉

Anne-Sophie Tournadre

Anne-Sophie Tournadre

Sensible aux injustices sociales et consciente de l'urgence d'une transition écologique, je pense - comme le disait l'Abbé Pierre - qu'il ne faut pas attendre d'être parfait‧e pour commencer quelque chose de bien.

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