« Moi, aller à Emmaüs ? Je peux quand même m’offrir du neuf, et puis faut en laisser pour les pauvres… »
« Et voilà, ça y est, Emmaüs ça devient un repaire pour bobos, z’avez vu les prix ?! »
Ce débat, on en a l’habitude à Emmaüs.
Que la joute commence, et choisissez votre camp !
Bobo ou Prolo, l’objet d’occasion ?
Après avoir bien profité de l’abondance et du prôôôôgrès d’après-guerre pour confortablement s’installer dans les Trente Glorieuses, la société des classes moyennes est entrée dans une ère de lendemains qui déchantent. Depuis les années 1980, le maître mot est … sociale, culturelle, économique, environnementale, … vous l’aurez deviné : la Crise.
Notre manière de consommer s’est logiquement ajustée à cette nouvelle réalité : prise de conscience anti-gaspi, entraide et troc, revente pour arrondir les fins de mois, don parfois, … notre rapport à l’objet a évolué : on achète toujours aussi compulsif aujourd’hui, mais on remet l’objet dans le circuit. Acheter d’occasion n’est plus un choix par défaut, c’est devenu un moyen incontournable de consommer plus raisonnablement et plus économiquement.
En parallèle de cette démocratisation de l’objet d’occasion, se développe un goût croissant pour l’objet vintage : dans un monde de plus en plus uniformisé culturellement, une frange de la population se tourne vers son patrimoine, tintant ses choix de consommation d’une certaine nostalgie. Patiné par son histoire unique, chaque objet devient plus qu’un élément matériel et se transforme en un totem puissant et rassurant qui nous protège de l’anonymat des grandes séries industrielles made in China.
A la croisée de ces deux mouvements, Emmaüs mélange les genres, brasse les cultures et les classes, et tout le monde peut y venir : celui qui revend au bled, celui qui vient tous les samedis pour s’équiper à petit prix, celui qui attend devant la grille une heure avant l’ouverture, lui en général c’est un collectionneur ou un broc’, celui qui passe tous les jours sans jamais rien acheter et reste pour déconner avec les compagnons, …
Emmaüs c’est l’un des derniers lieux en France où tout le monde se regarde en face et où tout se réconcilie : la survie de celui-ci, le besoin de celui-là, l’envie d’un autre.
Cette culture de la rencontre n’est pas le fruit du hasard, c’est un héritage, que l’on vient vous raconter ici en quelques lignes.
Pierre x Georges
Sans Georges Legay, cet ancien bagnard, homme désespéré parmi les désespérés, ayant perdu toute raison de vivre, Emmaüs serait aujourd’hui une oeuvre charitable parmi tant d’autres. Appelé auprès de Georges alors que celui-ci a tenté de se suicider, l’Abbé Pierre lui dit :
« Je n’ai rien à te donner, mais toi qui n’as rien, au lieu de mourir, viens m’aider à aider.«
C’est cette rencontre fondatrice et « anti-caritative » qui rend le mouvement Emmaüs si unique dans le paysage associatif.
Auguste x Philibert
Battu aux élections de 1951, l’abbé Pierre perd son indemnité de député et la communauté de Neuilly-Plaisance ne tarde pas à voir ses caisses se vider. Il s’en va mendier dans les rues parisiennes de nuit. Quand les compagnons l’apprennent, deux d’entre eux, Auguste et Philibert, lui parlent de leurs anciens métiers de biffin et de chiffonnier : faire les poubelles, les greniers et les caves, et revendre ce qui est encore en bon état, ferraille, matières premières, objets d’occasion … L’abbé Pierre leur fait confiance et les revenus de la récupération permettront bientôt aux compagnons de renflouer les caisses et ainsi aider les familles sans logis.
Cela fait aujourd’hui 70 ans que les camions d’Emmaüs récupèrent ce dont les particuliers n’ont plus besoin. 70 ans que les compagnons vivent de ce métier de chiffonnier et revendent ce qui peut l’être : sur les grand-places des villes et villages, en entrepôts excentrés, dans des boutiques en centres-villes et désormais en ligne.
Un jour x Une vie
Vous l’aurez compris, on profite de la Saint-Valentin pour vous parler de rencontre un peu différemment, à travers les hommes qui font Emmaüs et dont les parcours les plus divers se croisent, pour « un jour ou une vie » comme on dit en communauté. S’il y a de la place, on y est accueilli, par ceux qui y ont eux-mêmes été un jour accueillis.
Alors Bobo ou Prolo, chacun a sa place et son rôle à jouer dans ce formidable terrain de mixité sociale et de rencontre qu’est Emmaüs. Chaque homme compte et, par le temps qu’il passe à le donner, à le retaper, ou à l’acheter, fait compter chaque objet.
Tous les objets de notre collection Objets de rencontre sont le résultat de ces liens d’amitiés improbables.
D’ailleurs, comme le disait l’abbé Pierre : « L’amitié, c’est ce qui vient au cœur quand on fait des choses belles et difficiles ensemble ».
sources historiques : Emmaüs International
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